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« Madelaine avant l’aube », de Sandrine Collette : le roman sorti deux fois du bois

« Madelaine avant l’aube », de Sandrine Collette, JC Lattès, 250 p., 20,90 €, numérique 10 €.
Certains enfants abandonnés ont le cuir si solide qu’ils survivent, se fortifient, et finissent par éclipser les autres. Madelaine avant l’aube est de ceux-là. Ce ­roman, Sandrine Collette l’avait d’abord laissé tomber. Elle en avait rédigé une première version presque complète quand une autre idée lui a fait tout lâcher pour écrire On était des loups (JC Lattès, 2022).
Fin 2022, après le succès de ce récit sur un homme et son garçon qu’il n’a pas désiré, la romancière s’interroge : et ensuite ? Doit-elle reprendre son manuscrit mis de côté ? Elle le relit. Il y a quelque chose. La fillette sauvage et courageuse au centre du livre lui parle toujours. Le froid, les famines, aussi. L’étincelle était venue un printemps marqué par des gelées tardives, quelques années plus tôt. « Dans mon village du Morvan, on n’avait eu aucun fruit cette année-là, se souvient-elle. Aucune cerise. Des pommes pourries. Alors, je me suis documentée sur les grands froids du XVIIIe siècle. Comme en 1709, quand l’hiver a tué des milliers de personnes. C’était hier à l’échelle de l’humanité, et cela pourrait revenir demain. » Elle tenait son sujet.
Avec le recul, cependant, les défauts de ce manuscrit, intitulé « Grand hiver », lui sautent aux yeux. La première partie, touffue, se révèle un peu désorganisée. La seconde manque de densité. « Du délayage », juge-t-elle. Sandrine Collette hésite. Elle pense à un projet totalement nouveau. Son éditrice chez JC Lattès, Constance Trapenard, l’incite plutôt à reprendre son texte initial. Mais sera-t-il assez différent du précédent, qui combinait aussi une ­nature très âpre et des relations familiales complexes ? « J’avais une terreur, refaire On était des loups », ­confie-t-elle.
Alors elle repart de « Grand hiver », mais change tout. Pour son deuxième roman, Un vent de cendres (Denoël, 2014), elle avait déjà déchiré une première version, transformé le cadre de l’histoire et réécrit 80 % du texte. Cette fois-ci, elle jette la seconde partie à la ­corbeille, et reconstruit le reste. L’ordre des séquences est bouleversé. De nouveaux personnages apparaissent, pour complexifier le récit. Elle ajoute aussi un renversement décisif au bout de 130 pages. Au lieu du narrateur omniscient de départ, c’est Bran, le plus ­proche compagnon de sa protagoniste, Madelaine, qui dit « je ». « J’avais adoré écrire à la première personne dans On était des loups, explique l’écrivaine. Cela vous place tellement à l’intérieur de ­celui qui parle… »
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